mardi 8 octobre 2024

Vite fait, bien fait #3 : Les femmes en dehors du couple

Bonjour, bonsoir, salutations 👋

Moins d'un an depuis le dernier article, un record je pense ! 😂

Pour l'occasion, je lance un nouveau type de libellés : les thèmes. Je trouve ça pratique de pouvoir retrouver tous les ouvrages d'un même genre, j'aime bien aussi l'idée de trouver tous ceux qui traitent d'un même sujet (mais différemment). Je ne pourrais pas tout mettre dans le cas des articles "Vite fait bien fait" car le nombre de libellés est limité, mais j'essaierai d'en mettre le plus possible. Il me faudra aussi un peu de temps pour rajouter les thèmes des articles précédents (je pense faire de même pour les TW, comme dans cet article). Vous retrouverez l'encadré correspondant aux thèmes sous celui consacré aux genres littéraires.

Et sans plus attendre, on passe au sujet du jour : les femmes célibataires dans la fiction littéraire. Ça fait très longtemps que je pense rédiger un article là dessus, les ouvrages dont je vais parler sont en pile, m'attendant sagement, depuis des semaines voir des mois (les pauvres) ! Le jour est enfin arrivé !

Pourquoi ce sujet, déjà ? Pour faire court, c'est dans une démarche de déconstruction de genre et de représentation. Les personnages féminins sont souvent mis en scène en étant ou finissant en couple (le plus souvent : exclusif avec un homme) à la fin de l'histoire. C'est un schéma récurrent, issu de notre culture qui nous berce depuis toujours avec ce genre de récits. Une femme qui est seule est souvent décrite comme malheureuse et elle trouve le bonheur dans la vie conjugale, comme si ce n'était pas possible d'être heureuse autrement. Iels furent heureux'euses et eurent beaucoup d'enfants...

Évidemment, cette vision stéréotypée ne vient pas de nulle part, ce n'est que le reflet de notre société sexiste, qui attend de la femme à ce qu'elle se mette en couple (dans l'idéal, pour faire des enfants et s'occuper de son mari). Dans la vie de tous les jours, les femmes (ou personnes perçues comme telles) qui n'aspirent pas à une vie de couple bien rangée, sont souvent mal vues et jugées ; on les accuse d'être instables/irresponsables/égoïstes (et je ne liste là que les accusations les plus polies), on les désigne comme responsables de l'effondrement de notre société, on les accable de prévisions funestes, leur disant que "attention, elles vont finir vieille fille avec pleins de chats" (alors que bon, vivre dans une maison remplie de chats, soyons sincères, est-ce que ce n'est pas la définition même du bonheur ? 🤔).

Une fois qu'on sait ça, on ne s'étonne pas du manque de (bonne) représentation et d'histoires qui déconstruiraient un peu tout ça et dans lesquelles elles pourraient se retrouver. Ça existe mais j'ai l'impression que ce n'est pas souvent mis en avant, que ça manque de variété de modèles et d'histoires, qu'il y a un déséquilibre entre les histoires où les femmes sont en couple et les histoires où elles font autre chose.

Donc voilà ma petite contribution : 5 lectures (livres et BD) qui mettent en scène un personnage féminin qui fait autre chose que de courir après l'amour, qui se retrouve piégée en voulant entrer dans le moule et/ou qui vit avec des chats (non mais vraiment, but ultime de la Vie, non ?).
Pour cette article, je vais me concentrer sur les femmes en dehors du couple en général mais je ferai sans doute un autre article sur les femmes en dehors du couple hétéro-normé.



 Couverture Tant pis pour l'amour : Ou comment j'ai survécu à un manipulateur 

Tant pis pour l'amour - Sophie Lambda

TW : emprise, manipulation, pervers narcissique, violence verbale, harcèlement

Quand Sophie rencontre Marcus, elle tombe amoureuse en 48h. Elle qui était si cynique en amour, cette fois, elle y croit. Sauf qu'il se révèle vite étrange. Sophie a alors besoin de comprendre ce qui ne va pas. Confronté à ses mensonges et ses incohérences, il a des réactions violentes, des excuses pour tout et arrive à se sortir de chaque impasse. Mais jusqu'à quand ? Sophie aime un manipulateur narcissique.

On commence l'histoire qui peut être un peu difficile à lire. Le personnage principal se retrouve victime d'un pervers narcissique. On suit alors toute l'histoire, de la rencontre à la séparation, en passant par les mensonges, la manipulation, les crises de colère, la destruction de son estime d'elle-même. La fin nous donne aussi des informations sur comment se défaire d'un pervers narcissique, comment se protéger du harcèlement de ce dernier et ses tentatives de "récupérer" sa victime si celle-ci tente de s'enfuir, comment se faire aider si on n'y arrive pas seule.
C'est une vraie boite à outils. C'est une BD que j'ai envie de mettre entre toutes les mains de personnes ayant été victimes elles aussi, et en même temps je sais d'expérience que la lecture peut être un peu dure. Personnellement, me retrouver autant dans l'histoire, me dire "mais merde, moi aussi j'ai vécu ça" a été un choc, même c'était une prise de conscience nécessaire.

Si je la mets dans la liste, c'est parce qu'elle vient déconstruire un des mythes autour des relations : qu'il faudrait tout accepter par amour. Cette Bd est un bon exemple du "Il vaut mieux être seul'e que mal accompagné'e". Il est OK d'avoir des moments difficiles et des disputes mais il est dangereux de fermer les yeux sur les "red flags" (littéralement "drapeaux rouges, cela désigne les indices qui montrent que la relation est toxique, problématique).
Je l'ai mis aussi parce qu'on voit le personnage se reconstruire et apprendre l'importance de s'aimer soi-même plutôt que de chercher quelqu'un pour le faire à notre place, trouver de l'affection et de l'amour auprès d'autres personnes comme ses ami'es, sa famille, ou de la sororité de la part des autres victimes de son ex. Je trouve important de mettre ces formes d'amour en avant, histoire que l'amour romantique descende un peu du pied d'estale où on a tendance de le mettre.

 

Konbini/La fille de la supérette - Sayaka Murata

TW : manipulation

Depuis l’enfance, Keiko Furukura a toujours été en décalage par rapport à ses camarades. À trente-six ans, elle occupe un emploi de vendeuse dans un konbini, sorte de supérette japonaise ouverte 24h/24. En poste depuis dix-huit ans, elle n’a aucune intention de quitter sa petite boutique, au grand dam de son entourage qui s’inquiète de la voir toujours célibataire et précaire à un âge où ses amies de fac ont déjà toutes fondé une famille. En manque de main-d’œuvre, la supérette embauche un nouvel employé, Shiraha, trente-cinq ans, lui aussi célibataire. Mais lorsqu’il apparaît qu’il n’a postulé que pour traquer une jeune femme sur laquelle il a jeté son dévolu, il est aussitôt licencié. Ces deux êtres solitaires vont alors trouver un arrangement pour le moins saugrenu mais qui leur permettra d’éviter le jugement permanent de la société. Pour combien de temps…

J'ai lu une critique de ce livre disant qu'il était dommage que Keiko soit associale et sans empathie, que ça lui donnait une apparence de "psychopathe" et qu'il aurait été plus intéressant d'avoir une femme "normale" qui ne trouverait juste pas d'intérêt dans la vie de couple.
Je suis d'accord sur le fait que ce genre de représentation manque, mais personnellement, j'ai l'impression qu'il s'agit plutôt d'une personne neuroatypique (autiste peut-être ?) et asexuelle, qui ne comprend pas les codes, ne sait pas les appliquer et ne voit pas d'intérêt à le faire si ça ne fait pas sens pour elle. Or, il s'agit là de représentations qui manquent tout autant, si ce n'est plus. Il n'aurait pas été inintéressant de suivre une personne atteinte de psychopathie également.
De plus, le fait d'être neuroA témoigne d'un esprit qui réfléchit autrement, ce qui semble cohérent avec le fait de ne pas voir d'intérêt dans la vie à deux. Rien n'est dit clairement dans le roman, c'est un défaut que je lui trouve, mais ça reste à mes yeux une représentation réaliste.

Ce que je trouve intéressant, c'est que le personnage ne souffre absolument pas de ce qu'elle est, elle ne souffre pas d'être célibataire, être en couple ne l'intéresse pas. Dès le début, on la voit très heureuse à travailler dans son konbini, avec un rythme de vie qui lui convient, avec un but dans la vie. Cependant, elle sent bien qu'on attend des choses d'elle et elle se retrouve en difficulté face à la conformité et la pression qu'on lui met pour être "normale". C'est le fait de chercher une combine pour se soustraire à la pression sociale (surtout familiale) qui va la pousser dans une situation compliquée et potentiellement dangereuse. 


Couverture Mon chat, ma cuisine et moi 

Mon chat, ma cuisine, et moi - Han Hye Yeon

TW : nourriture

Jeanne est une jeune femme moderne qui vit seule avec ses trois chats. Elle vient d’être licenciée mais refuse de se laisser abattre. Jeanne affronte le quotidien à l’aide de ses chats et avec les douceurs qu’elle prépare tranquillement dans sa cuisine. À chaque événement, un dessert est associé. Un jour, elle s’inscrit à une formation pour devenir pâtissière. Un nouvel horizon s’ouvre devant la jeune femme… UN QUOTIDIEN CHAT-VOUREUX !

On a là une petite BD feel good, où chaque chapitre est l'occasion de présenter une recette. On suit Jeanne qui cherche à se reconvertir, et dont le quotidien est ponctué par les bêtises de ses chats ou des moments passés avec des ami'es et de la famille (encore une fois, c'est chouette de voir ces formes d'amour et qu'elles ne soient pas secondaires).

À un moment, elle croise son ex copain, mais c'est assez anecdotique vu qu'iels se sont quitté'es en bons termes et iels se revoient à l'occasion d'une réunion d'ancien'nes élèves. Elle est moins inquiète à l'idée de le revoir que par ce que le gens pourraient imaginer en fonction du gâteau qu'elle fera. Je trouve ça cool de voir une relation finie sans animosité. 

Bonus chat en fin de BD, avec des petites histoires sur comment l'autrice a recueilli les siens.


Couverture Elle et son chat (manga) 

Elle et son chat - Makoto Shinkai (scénario) et Tsubasa Yamaguchi (dessin)

TW : Sentiment dépressif, anxiété sociale

Chobi savoure sa vie de chat auprès de la maîtresse qui l'a recueilli, une jeune femme connaissant à la fois les avantages de l'indépendance et les affres de la solitude. Les yeux du félin assistent à ce quotidien qui s'écoule lentement, oscillant entre moments chaleureux et moments teintés d'amertume, entre jours de soleil et jours de pluie.

Ici, nous pourrions avoir deux ouvrages à commenter, puisqu'il s'agit du manga adapté du roman éponyme, mais je n'ai pas lu ce dernier, pour le moment. 

On suit le quotidien d'une jeune femme au travers des yeux de son chat. On y voit les bons comme les mauvais moments, surtout les mauvais à vrai dire. L'histoire me laisse le sentiment d'être face à une personne qui perd peu à peu pied, à cause de la pression de son travail et l'anxiété de voir le monde évoluer alors qu'elle a le sentiment de faire du surplace. On peut déceler des signes de dépression et/ou de burn-out.

C'est finalement son amour pour son chat et son sens des responsabilités vis à vis de lui qui lui permettront de remonter la pente et de demander de l'aide.

 

Couverture La gameuse et son chat, tome 1 

La gameuse et son chat - Wataru Nadatani

Kozakura, 29 ans, célibataire et fière de l'être. Son but dans la vie : consacrer la moindre minute de son temps libre aux jeux vidéo. Mais voilà qu’un nouveau joueur fait son apparition dans sa vie : un petit chat tout ce qu’il y a de plus réel, qui va bien l'occuper entre deux parties… Car cohabiter avec un félin plein de vie, ce n’est pas pour les petits joueurs, et la gameuse va le découvrir à ses dépens !

On termine cet article sur mon petit chouchou de la liste. En même temps, je suis un'e gameur'euse et jusqu'à récemment, j'avais un chat noir et blanc comme Omusubi (le chat de la jaquette), je ne suis pas certain'e d'être objectif've 😏 

J'ai un peu de mal à comprendre la phrase de quatrième de couverture disant "célibataire et fière de l'être", puisqu'à aucun moment il n'y a de réflexion sur son célibat (sauf de la part de quelques collègues, en arrière-plan). Elle est plus fière d'être gameuse qu'autre chose. Et dans son domaine, c'est une hard gameuse, une personne qui finit les jeux à 100%, qui achète les versions collector de ses jeux favoris et qui peut passer des heures à peaufiner sa technique.

Le manga a une atmosphère très cool, avec des personnages enthousiastes et débordant d'énergie. Le jeu vidéo est montré avec beaucoup de respect, je trouve, on est loin du stéréotype de gamer associal qui ne sort jamais de chez lui. Je ne me suis pas senti'e gêné'e par la représentation qui est donnée, au contraire, je me suis même plutôt bien identifié'e sur certains aspects, comme l'incompréhension par les personnes non initiées ou la frustration de refaire une partie parce qu'on a perdu une sauvegarde !

J'ignore si ce manga peut plaire à des personnes qui ne s'intéressent pas un minimum aux jeux vidéo, mais en tout cas, tous les termes en lien avec le sujet sont expliqués. J'ai tiqué sur certains, car beaucoup sont en anglais et j'ai l'habitude de les croiser en français (peut-être qu'au japon, on les utilise tous en anglais ?). Je me dis que le jeu vidéo sert de support comique (une personne experte dans un sujet, novice dans un autre, qui va user de ses connaissances dans le premier pour apprendre dans le second) mais peut-être que ça peut servir de porte d'entrée pour découvrir cet univers et ce qu'il peut apporter.

dimanche 3 décembre 2023

2023 : Réconciliation avec Stephen King (ou plutôt, son travail) et...nouvelle étincelle pour la lecture ?

Ça fait un petit moment que j'ai envie de reprendre ce blog. En effet, ces derniers temps, j'ai repris l'activité de mon compte sur Livraddict (créé peu de temps avant que ce blog tombe dans l'oubli) et je laisse des commentaires dans l'espace prévu à cet effet. Mais cet espace ne laisse pas beaucoup de place, le nombre de caractères étant limité. Donc s'en suit, souvent, un sentiment de frustration, de ne pas pouvoir en dire plus. 

Un petit chat avec le texte "fait chier" écrit au dessus, avec des fautes et tout collé.

 Me revoici donc ici :) Je ne sais pas pour combien de temps ou d'articles, mais je suis là et j'ai envie d'écrire.

J'hésite depuis longtemps car je ne sais pas par quel livre reprendre. Surtout que, si je jette un œil à ce que j'ai déjà publié, je pense préférer les articles qui parlent de plusieurs livres, les comparent pour forger une réflexion sur un sujet, pour donner différents points de vue sur un thème.
Je me suis décidé'e aujourd'hui, quand j'ai vu que cela fait trois ans pile que je suis parti'e. J'ai repris la liste des livres que j'ai lu cette année, dans l'idée de faire un bilan. Un sujet un peu bateau, surtout que l'année n'est pas finie, mais bon, c'était déjà une piste.
Puis, j'ai remarqué un détail. J'ai lu trois livres de Stephen King cette année. Bon, en vrai, y'en a un, je l'ai lu fin 2022 mais bon, c'était dans une même période pour moi en terme de lecture. Une période où j'ai eu pleins de lectures chouettes, qui m'ont absorbé'e comme le faisaient mes lectures d'autrefois. 

Je suis toujours un peu nostalgique de l'époque où "je lisais beaucoup plus" et où j'étais "transporté'e par les univers" que je découvrais. Je recherche un peu la petite flamme intérieure quand je lis, j'ai l'impression de l'avoir perdu'e. Je pense que c'est en lien avec une santé mentale qui n'est pas au top depuis longtemps et qui a pris un tournant compliqué au premier confinement pour le Covid. Du coup, pour 2023, j'ai l'impression que j'ai un peu retrouvé'e ça. 

Et en même temps, je me suis un peu réconcilié'e avec le travail de Stephen King. Je n'en suis pas au point de dire que c'est un génie auquel je voudrais ériger une statue mais...il faut bien avouer que plusieurs de ses livres ont fonctionné sur moi, malgré quelques défauts.
Stephen King, c'est un auteur qui, depuis longtemps, ne me plaisait pas plus que ça. J'en entendais beaucoup de bien, au point que je finissais par me dire que son talent était surestimé et survendu. J'avais lu deux livres de lui, "Charlie" et "La ligne verte", l'un que j'avais détesté au point de devoir l'arrêter et le recommencer des mois plus tard et l'autre ayant été une bonne lecture, mais je savais que j'avais été influencé'e par le film du même nom.
Ensuite, j'ai lu le tome 1 de "La tour sombre", auquel je n'ai pas accroché du tout.
Puis, "Running man", que j'ai trouvé sympa mais sans plus.
Bref, j'avais un avis assez mitigé.

Et puis, j'ai une de mes ami'es, qui a des goûts proches des miens, qui m'a prêté trois de ses livres.
 

"Misery"

"Dolores Claiborne"

"Bazaar"

(lus dans cet ordre)

Et comment dire ? Ce fut sans doute trois de mes meilleures lectures de 2023 (oui, y'en a un lu en 2022, bref XD). 

 

Photo d'un bébé phoque qui a l'air de sourire
 

Je ne sais pas si c'est dû aux thèmes abordés, aux personnages ou simplement à l'ambiance globale, ou encore le fait que l'auteur a eu le temps peaufiner son style ("Charlie" est le plus ancien parmi ceux que j'ai lu, "Dolores Claiborne" fait partie des plus récents) mais j'ai bien accroché. J'ai eu ce sentiment de "je veux savoir la suite". J'ai pris le temps de réfléchir, à essayer de deviner comment ça allait finir, j'ai eu des frissons en anticipant certains événements, j'ai eu un sourire presque sadique en me rendant compte de la tournure de l'histoire.

Bref, j'ai ressenti quelque chose en me plongeant dans ces livres. Quelque chose en moi a vibré. C'est une chose assez rare ces dernières années pour être soulignée. J'ai l'impression que ça m'a redonné un petit coup de boost sur mon envie de lire. Rien de bien exceptionnel mais c'est là. Et aujourd'hui, je suis là à rédiger cet article et à réfléchir comment je vais refaire la mise en page de ce blog. 


Je pense que ça s'inscrit dans une volonté de me relancer sur pleins de choses, de me remettre en marche, sans forcément me mettre la pression comme avant. Ça reste compliqué, surtout avec la fin d'année qui n'est jamais drôle pour moi. Et, encore une fois, je ne sais pas combien de temps cette motivation va rester. 

Mais j'avais envie de recommencer avec une petite touche de positif :)

 

Fond d'écran du jeu Journey. Un personnage habillé en rouge se tient au premier plan, au pied d'une grande montagne, au milieu d'un désert.

 

jeudi 3 décembre 2020

Nikita Ofgold : Les 9 Dimensions - Valentine Watrelot-Mingoia

 

Quatrième de couverture

Nikita Ofgold est une jeune fille ordinaire, jusqu’au jour de ses 13 ans où Félix, un chat noir qui est en réalité un apprenti sorcier, lui révèle qu’elle possède des pouvoirs surnaturels. Sa vie bascule alors… elle va découvrir la Septième Dimension, le monde des sorciers, où elle s’initiera à la magie. Elle y fera la connaissance de David, Anna et Jane, d’autres jeunes sorciers aux natures particulières. Ils formeront rapidement un clan d’amis inséparables. Mais son apprentissage ne sera pas de tout repos? Il lui faudra se rendre sur la Troisième Dimension, le sinistre monde des Ténèbres, où la mère de David est retenue prisonnière… Là-bas, elle fera également la rencontre du mystérieux et séduisant Prince des Ténèbres. Nikita et ses amis parviendront-ils à libérer la mère de David ? Qui est réellement le Prince des Ténèbres ? Vont-ils ressortir vivants de la Dimension maléfique ?

Que dire ?

Je m'apprête à parler d'un livre que je n'ai pas aimé. Les livres que je n'aime vraiment pas sont rares (le dernier, c'était Everything everything, il me semble). Et j'en parle peu ici. Si une lecture ne m'a pas plu, je préfère passer directement à autre chose pour faire passer le goût amer, sauf s'il y a quelque chose d'intéressant à en dire. Et c'est le cas ici.

J'ai longtemps attendu avant de faire cette chronique car je savais qu'elle serait difficile à faire. Je voulais pouvoir parler de manière objective de ce que je n'ai pas aimé. La liste est longue (j'ai corné tellement de pages sur des passages qui m'ont déplu que le livre a presque doublé de volume) et j'avais peur que tout énumérer finisse en lynchage. Et j'ai bien fait d'attendre car mon avis est passé de « c'est mauvais » à « c'est un peu plus complexe que ça ».

J'ai lu le livre en entier car, même si je n'ai pas accroché, je donne toujours sa chance à un livre. Une chance de me plaire, pour un aspect ou un autre, car je sais qu'il y a (presque) toujours quelque chose de bon à en tirer. Et c'est le cas ici, certaines choses m'ont plu, j'ai eu de bons moments mais pas assez pour rendre la lecture agréable dans son ensemble.

Quand je me suis rendue compte que le livre ne me plaisait pas, que je levais les yeux au ciel tous les 10 pages, je me suis dit que cela venait sans doute du fait que je n'étais pas le public cible, que c'était de la littérature jeunesse.
Sauf que j'ai récemment revu mon point de vue sur la littérature jeunesse quand j'ai remarqué que j'en lisais beaucoup. Bien plus que je ne le pensais vu que, jusqu'à présent, j'avais prêté peu d'attention à la tranche d'âge auquel un livre est destiné et maintenant que je le fais, je remarque que j'ai beaucoup de jeunesse sur mes étagères ; il n'y a vraiment que les livres pour les « tout-petits » qui n'attirent pas mon attention. « Livre jeunesse » ne veut pas dire « littérature de piètre qualité parce que c'est pour les enfants », contrairement à ce que je pensais il y a une dizaines d'années.

Je me suis alors dit que c'était générationnel. « Ça y est, je suis vieille et je critique ce que font les générations suivantes, c'est dans l'ordre des choses. Et les livres jeunesse que je relis encore aujourd'hui datent d'avant 2005, si mes souvenirs (de vieille) sont bons. »
Mais là encore, je suis plus ou moins l'actua-litté (ha ha) via les booktubeur.euses et je vois passer beaucoup de livres jeunesse de qualité (notamment via la chaîne de Pitiki, elle et moi ayant des goûts assez similaires).

J'ai ensuite pensé que le problème venait du genre littéraire. C'est de la fantasy mais c'est surtout, selon moi, de la romance. On trouve beaucoup de scènes qui ne sont que des prétextes pour des interactions (amoureuses) entre les personnages.
Cependant, il y a des romances que j'ai lu quand j'étais ado que j'aime encore aujourd'hui (Je ne t'aime pas Paulus, par ex) et j'aime toujours voir de la romance dans une histoire, qu'elle soit centrale ou non à celle-ci (ex : Moitié d'âmes, Rocaille parmi mes lectures les plus récentes), tant qu'elle est intéressante et pas trop cliché.

Finalement, c'est une fois le livre fini que j'ai compris. J'ai un réflexe parfois, qui est de relire la quatrième de couverture une fois le livre terminé. Je m'amuse à comparer ce que celle-ci promet avec le contenu du livre. Et c'est là que je suis tombée sur un détail que j'avais oublié : l'autrice avait 14 ans quand elle a rédigé ce roman.
A partir de là, tout ce que je n'avais pas aimé s'expliquait simplement : le livre n'était pas mauvais, il était juste immature. Le style et le scénario me font penser à une fanfiction, le genre que j'ai pu lire (et écrire) en grande quantité quand j'étais ado.
Je ne critique pas les fanfictions, j'en ai lu de très bonnes (et écrit des beaucoup moins bonnes, donc je sais que c'est difficile). Mais on y retrouve souvent des éléments que j'ai pu voir dans ce roman : une héroïne Marie Sue, des obstacles présentés comme difficiles mais en réalité sans conséquences, le monde des adultes aux fraises, un méchant présenté comme très méchant...mais pas tant que ça vu qu'on laisse des enfants partir pour l'affronter, un monde des ténèbres qui manque de profondeur, beaucoup de stéréotypes en terme de genre mais aussi en terme d'écriture, beaucoup de fanservices...

En résumé...

Une fois cette constatation faite, que puis-je retirer de tout ça ? Comme dit précédemment, j'ai passé quelques bons moments et l'univers dans les grandes lignes est prometteur. Reste à espérer que l'autrice puisse gagner suffisamment en maturité pour en tirer le meilleur.
Je sais que le tome 2 est déjà sorti et le tome 3 est en cours d'écriture. Je me demande si je vais me risquer à lire la suite, car je suis curieuse de voir ce que ça va donner mais cette lecture reste une déception et j'ai la crainte de retrouver les mêmes défauts dans la suite. Pour le moment, je préfère laisser cette question en suspens...

lundi 2 décembre 2019

Les tribulations d'une migraineuse - Delphine Key




Quatrième de couverture

Delphine, trente-cinq ans, mariée, maman d'un adorable petit garçon, a tout pour être heureuse. À ceci près : elle est migraineuse.
Alors, régulièrement, Delphine la boute-en-train, mute. Elle devient la rabat-joie, celle qui ne boit pas de Champagne le 31 décembre à minuit, qui maudit les fumeurs, la casse-pieds qui demande qu'on arrête la musique, qu'on éteigne la lumière, celle qui dit, la mort dans l'âme : « Non, chéri, pas ce soir...» avant d'avaler un Triptan, deux somnifères, de glisser sous la couette et de s'endormir, une poche de glace sur la tête.
Refusant de se laisser abattre, elle pérégrine à la recherche du traitement miracle. De l'homéopathe qui lui demande solennellement si elle mange le gras du jambon avant de lui délivrer une ordonnance à lui faire perdre son latin, à l'acupuncteur qui lui recentre son champ d'énergies, en passant par le grand ponte de la migraine et les différents praticiens de la planète psy, elle tente tout, jusqu'à la gouttière qui lui donne « l'air sexy d'un boxeur » et les hormones qui, très vite, à raison d'un kilo supplémentaire par semaine, menacent de la transformer en vache limousine. Dans ces conditions, la vie de couple aura bien du mal à résister... Détruire le mur d'incompréhension séparant l'espèce migraineuse de l'espèce non migraineuse, tel est le but de ce livre que toute migraineuse pourra toujours, l'air de rien, poser sur la table de nuit de son compagnon...

Que dire ? 

Attention, je spoile la fin ! Le passage a été rédigé en plus petit.
Je suis tombée sur ce livre dans un magasin de ventes d’occasion, dans un panier regroupant les prix les plus bas en terme de livres. La couverture orange a attiré mon attention et le thème du livre a su l’accrocher suffisamment pour que je l’achète. Je trouve, assez ironiquement, que l’aspect flashy de la couverture a le potentiel de provoquer une migraine, tellement elle pique les yeux.

L’autrice partage son expérience en tant que migraineuse, sous la forme d’un journal. Elle décrit les différents moments de sa vie, et surtout ses interactions avec les non-migraineux.euses. On a droit à tout : les bons moments (assez rares) comme les mauvais, l’incompréhension de certains de ses proches, les soucis de communication avec ces derniers, les différents traitements possibles, les personnes du corps médical qui ne savent plus trop quoi faire, les formes de médecine alternative vers lesquelles elle se tourne, un peu par désespoir, la peur d’avoir peut-être transmis sa migraine à son fils, etc.
Elle nous fait part de sa vie avec beaucoup d’humour et un style fluide. J’ai juste eu quelques difficultés parfois à me repérer dans la chronologie par manque d’indicateur de temps et l’utilisation du présent tout le long du roman.

Au travers de tout cela, Delphine traite de ce qui ressemble à de l’errance médical. En effet, elle sait qu’elle a des migraines mais comme toute personne migraineuse, elle n’a pas de traitement miracle ni d’explications précises sur la source de ce mal ; la génétique, le stress, un accident, un sommeil détraqué ? Un peu tout ça, en fait, c’est bien le problème. On sent Delphine être constamment dans un jeu d’équilibre et de dosage Elle en arrive à tester des médecine alternative, sans vraiment y croire mais bon, c’est toujours mieux que de baisser les bras, non ?

Concernant sa vie et ses proches, elle fait de son mieux pour à la fois prendre soin d’elle mais ne pas négliger ses proches pour autant. Et c’est là qu’on touche au cœur du roman : le mari de Delphine, Florent, est un non-migraineux. Et il ne comprend pas pourquoi sa femme refuse des soirées à cause de ses maux de tête, pourquoi elle ne fait pas plus d’efforts, pourquoi elle ne va pas voir un psy pour en parler. Il n’est pas vraiment à l’écoute de sa compagne et se place régulièrement en victime car il se sent délaissé, sans se rendre compte de la souffrance physique que sa femme endure au quotidien. Tandis que le fils de Delphine, Alex, fait preuve de bien plus d’empathie et sait se tenir tranquille quand il le faut...une fois qu’on prend le temps de lui expliquer la situation.

L’histoire touche au final plusieurs points intéressants sur la vie de couple en général.
Le premier sont les soucis qu’on peut rencontrer dans la vie de couple, qu’on tente parfois de cacher par autre chose. Le couple bat de l’aile et, plutôt que de se dire qu’il faudrait mieux en rester là parce que ça ne fonctionne tout simplement pas, on préfère mettre ça sur le dos d’autre chose (ici, les migraines), par peur de devoir faire face à la réalité, la peur d’admettre que la relation n’est pas saine.
Le deuxième point est la culpabilité dans la maladie, aussi bien celle de la personne malade que celle de ses proches. La première va culpabiliser de ne pas être disponible, de ne pas faire assez d’efforts pour aller mieux, de devoir laisser tomber sa carrière pour se focaliser sur sa santé. Les seconds vont surtout s’en vouloir de ne pas pouvoir aider la personne malade et vont donc se sentir impuissantes de ne pouvoir apporter LA solution.
Ces deux points trouvent leur source dans un troisième, qui est sans doute le plus important : la communication. Delphine ne sait pas comment ni quand exprimer son mal-être. Florent a les mêmes difficultés pour s’exprimer, ce qui engendre bien des quiproquo : Florent s’en veut de ne pouvoir « sauver » Delphine mais celle-ci ne lui a jamais demandé de le faire, Delphine en veut à Florent de ne pas la soutenir un peu plus mais elle ne cesse de jouer la comédie pour faire bonne figure pour lui faire plaisir.
Au final, si chacun.e disait clairement ce qu’iel a sur le cœur, bien des soucis pourraient être éviter et des stratégies pour rendre les moments de crise moins pénibles pour tout le monde pourraient être mis en place.
Le dernier point est la façon dont la relation de Delphine et Florent est traitée sur la fin. Iels se séparent mais iels ne se séparent pas dans les larmes et les cris, au contraire. On sent que, enfin, iels se comprennent et prennent le temps d’écouter à la fois leurs besoins et ceux de l’autre.

En résumé...

Sympathique. J’ai trouvé ce livre très juste. Je ne suis pas migraineuse, donc ce livre ne me touche pas personnellement, mais j’ai retrouvé des échos d’une partie de ma vie, ayant été en couple avec un homme migraineux pendant plusieurs années. Même si je ne me souviens pas avoir été aussi problématique que Florent, je me rends compte à quel point la migraine peut être un fléau au quotidien et je l'ai un peu sous-estimée.
A lire si vous avez des personnes migraineuses dans votre entourage ou si vous-même, vous souffrez de cette maladie, car ça permet sans doute de se sentir moins seul.e, de pouvoir enfin mettre des mots sur votre ressenti !

Citation

« Il paraît que pleurer soulage. J’ai trop mal pour verser la moindre larme. Pour avoir la force de pleurer, une partie du cerveau doit être submergée par la nostalgie, la peine ou une petite douleur. Mais un torturé ne pleure pas car son esprit est tout entier occupé à combattre le mal » (Editions Anne Carrière, P.25).

Pour aller plus loin

*Le blog autour de la migraine, tenue par l'autrice : http://www.lamigraine-leblog.com/
*Vidéo de la chaine E-penser sur la migraine : https://www.youtube.com/watch?v=Sk7Ia2Lsuak
*Vidéos de la chaine "Vivre avec" sur le sujet :
-6 façons d'aider une personne malade chronique : https://www.youtube.com/watch?v=zKgIDIouEGo
-mes relations amoureuses et la maladie : https://www.youtube.com/watch?v=hesCiH4PYfc
-se reposer, ce n'est pas "rien faire" : https://www.youtube.com/watch?v=Rjh-Wo7B5j0
-tu n'as pas l'air malade : https://www.youtube.com/watch?v=iXkMWU4sXiM
-petites remarques pour les proches de malades : https://www.youtube.com/watch?v=BI13dI0NIWU 

vendredi 29 novembre 2019

Le cycle "L'Héritage" (Eragon, L'Ainé, Brisingr, L'Héritage) - Christopher Paolini


Quatrième de couverture

Un garçon...
Un dragon...
Une épopée...

Voilà bien longtemps que le mal règne dans l'Empire de l'Alagaësia... Et puis, un jour, le jeune Eragon découvre au cœur de la forêt une magnifique pierre bleue, étrangement lisse. Fasciné et effrayé, il l'emporte à Carvahall, le village où il vit très simplement avec son oncle et son cousin. Il n'imagine pas alors qu'il s'agit d'un œuf, et qu'un dragon, porteur d'un héritage ancestral, aussi vieux que l'Empire lui-même, va en éclore... Très vite, la vie d'Eragon est bouleversée. Contraint de quitter les siens, il s'engage dans une quête qui le mènera aux confins de l'Alagaësia. Armé de son épée et guidé par les conseils de Brom, le vieux conteur, Eragon va devoir affronter, avec son jeune dragon, les terribles ennemis envoyés par le roi dont la malveillance démoniaque ne connaît aucune limite.
Eragon n'a que quinze ans, mais le destin de l'Empire est désormais entre ses mains !

Que dire ?

Cette tétralogie, c’est une longue histoire de lecture pour moi. J’ai lu « Eragon » quand j’étais encore à la fac, en licence si je me souviens bien. C’était en été (détail qui n’a pas d’importance) et je me souviens m’être un peu ennuyée en le lisant (détail qui a de l’importance).
Je ne garde pas spécialement un bon souvenir de cette première lecture, mais pas un mauvais souvenir non plus. Elle fut un peu laborieuse, j’eus du mal à avancer dans l’histoire, sans trop savoir pourquoi. Je ne parvenais pas à m’immerger dans le récit, à me sentir proches des personnages. Mais ce n’était pas totalement mauvais non plus et bien des éléments de l’histoire m’ont poussée à m’attaquer aux autres tomes, « L’Ainé » et « Brisingr ». Puis, j’ai acheté « L’Héritage » d’occasion et il a rejoint ma pile à lire, pendant un laps de temps beaucoup trop long (ça se compte en années).

Quand je voulus m’y attaquer cette année, je ne me souvenais plus de grand chose, si ce n’est les grandes lignes. J’ai donc relu les trois tomes précédents avant de me mettre au dernier tome de ce cycle. Cette relecture ne m’a pas apporté de regard vraiment neuf sur cette tétralogie, mon avis reste globalement le même : je la trouve ni bonne, ni mauvaise.

Je pense que le souci majeur que j’ai rencontré dans ma lecture, c’est le style global. Difficile de critiquer le style quand on parle de traduction mais dans l’ensemble, j’ai trouvé la narration un peu plate, parfois brouillon. J’ai eu quelques difficultés à suivre et comprendre les scènes d’action, surtout les combats.
J’ai trouvé l’histoire et les péripéties un peu trop faciles par moments. Eragon ne fait pas face à de réelles difficultés, celles-ci ne durent jamais longtemps. Même quand il se retrouve gravement blessé, avec une cicatrice qui le laisse très handicapé, il finit par se faire soigner et ne garde pas la moindre trace de ce passage compliqué. Peut-être cette facilité vient de ses pouvoirs qui grandissent avec le temps ou le fait qu’il soit entouré par des personnages plus exceptionnels les uns que les autres ? Sans doute un peu des deux.
En tout cas, j’ai nettement préféré l’histoire de Roran, son cousin, qui est obligé de s’en sortir par ses propres moyens, qui devient un leader presque malgré lui, qui trouve une force physique et de persuasion dont il ignorait lui-même l’étendue.

J’ai trouvé les personnages un peu trop manichéens au début (le grand méchant tyran d’un côté, les gentils de l’autre). Cet aspect s’améliore nettement au fil des tomes, avec différents peuples qu’on apprend à connaître avec leur culture, leur nature certes différente, mais intéressante et complexe à partir du moment où on commence à s’y intéresser sans jugement.
La guerre aussi a permis de nuancer l’aspect trop tranché des deux camps. Au travers de Roran et d’Eragon, on découvre l’horreur des batailles, des morts qu’elles impliquent, des lourdes pertes des deux côtés, des questionnements du bien fondé de leurs actions.
La relation entre Eragon et Arya, une elfe qui le suivra une bonne partie de l’histoire, est également un point intéressant : ce n’est pas une romance classique, pas de réel happy end les concernant, chacun étant destiné à remplir des fonctions importantes et iels ne peuvent laisser libre court à leur histoire à cause de ces dernières.

Il y a bon nombre d’autres éléments que j’ai appréciés, tout ce qui touche à l’univers.
Tout d’abord, j’aime beaucoup la relation dragon/dragonnier.ère. Je trouve Saphira et Eragon très touchant.e.s dans leur relation fusionnelle.
J’ai également aimé la représentation de la magie, qui est une magie « douce » (« soft magic », selon ce youtubeur : https://www.youtube.com/watch?v=jfSg2CFOWNU&t=593s), c’est-à-dire une magie qui ne donne pas les pleins pouvoirs en claquant des doigts, sans aucune conséquence ou contrepartie. Ici, la magie consomme de l’énergie et laisse souvent ses pratiquant.e.s épuisé.e.s, surtout celleux qui ne sont pas des dragonnier.ères ou des elfes. La magie peut aussi avoir de lourdes conséquences en cas d’erreur ; on a des moments qui laissent rêveur.euse, d’autres qui glacent le sang (je pense notamment aux pouvoirs que va obtenir une jeune fille victime d’un sort d’Eragon, alors que celui-ci voulait lui adresser une bénédiction).

D’autres éléments comme la connaissance et compréhension des autres formes de vies, l’importance du langage (l’auteur a développé différentes langues et le langage est central et complexe dans l’utilisation de la magie ; une belle métaphore de la force des mots), la connaissance de soi...bref, tout ce qui concerne l’aspect philosophique, sont autant de points qui m’ont également plu.
La fin du cycle est le dernier élément que j’ai retenu. Je ne vais pas vous spoiler la fin mais je la trouve très intéressante car elle soulève des questions sur ce qu’est la véritable force et elle nuance aussi la façon de percevoir le méchant de l’histoire.

En résumé...

Sympathique. De la même façon que le style d’un.e auteur.rice de Bds ne va pas forcément me rebuter à m’intéresser à l’histoire, le style de l’auteur m’a certes posé problème mais l’univers était assez cool pour que je veuille rester jusqu’au bout. Malgré tout, je voulais terminer cette saga pour savoir si oui ou non je voulais la garder dans ma bibliothèque. Je pense qu’il est temps de faire un peu de place...

Citation

« Les écailles s’inclinèrent sous la caresse. Un mot résonna dans la tête du garçon, clair et grave à la fois : « Eragon ». Le ton était solennel, presque triste, comme si un pacte indestructible venait d’être scellé. » (Editions Bayard Jeunesse, p.70).

mercredi 30 octobre 2019

Nouveauté - Chroniques version audio

Salutations tout le monde :) 

Je vous dois une petite confidence : je n'ai jamais beaucoup aimé lire des chroniques parlant de livres. Bien qu'étant une grande lectrice, j'ai toujours eu du mal à lire un long article de blog de bout en bout. C'est pourquoi j'aime bien le Booktube et je me suis dit récemment que c'était peut-être le cas d'autres personnes. 

De plus, pour les personnes malvoyantes, l'audio est sans doute plus pratique et plus agréable. Sans compter que cela fait un moment que je souhaite mettre en place des actions concrètes pour l'accessibilité

Aussi, pour toutes ces raisons, j'ai eu l'idée de proposer une version audio de mes articles de blog. J'ai commencé avec "Celle que je ne suis pas", de Vanyda et je vais faire tous les articles un par un, dans l'ordre de publication. Je ne toucherai pas à la forme, je ne ferai que quelques modifs, surtout en rapport avec la langue inclusive.

A chaque fois, je rajouterai un lien dans l'article du livre ou de la BD, juste en dessous de l'illustration. 

Sur ce, je vous laisse avec ce premier podcast, bonne écoute ! :)



lundi 11 mars 2019

Vite fait, bien fait #2 : spécial littérature (de ma) jeunesse - partie 2

Salutations :)

Avec la Journée Internationale des Droits des Femmes qui est récemment passée, je me suis dit qu'il était plus que temps que je poste la suite du « Vite fait, bien fait "spécial littérature (de ma) jeunesse" - partie 1 ».

Dans l'article cité ci-dessus, j'avais commencé une série de livres comprenant des personnages féminins intéressants (pour plus de détails, je vous invite à aller voir l'article en question, si vous ne l'avez pas déjà lu ou si vous souhaitez vous rafraichir la mémoire).

(Oui, en 2019, je reprends le vouvoiement, allez savoir pourquoi...)

À la fin de l'article, j'avais constaté que les 5 romans que je présentais proposaient des petites filles pouvant être têtues, capables de prendre les devants malgré leur timidité mais j'ai l'impression que ces filles restent tout de même assez dociles, gentilles et leur qualité principale (dans le sens « ce qui les qualifie le plus », le trait de caractère majeur) est l'empathie, le bon cœur, bref les bons sentiments.
Leurs histoires tournent autour de leurs actions visant à améliorer le quotidien de leurs proches (Paola souhaite aider Lou, Caribou aide les habitants de son village, les jumelles souhaitent que leurs parents se remettent ensemble, idem pour Prune et Anna fait de son mieux pour que son oncle soit de nouveau intégré à sa famille). Donc, au final, ces petites filles endossent un peu le genre de rôle qu'on attribue souvent aux femmes, celui de « l'infirmière », et elles ont des qualités qu'on attribue souvent au genre féminin (empathie, écoute, douceur, patience, etc).

Pour contrebalancer un peu tout ça, cet article va se concentrer sur des personnages principaux ayant des traits de caractère plus prononcés et pouvant adopter des comportements qui sont plus discutables.


1 – Le fauteuil de grand-mère, de Charlotte Herman

Sheila est furieuse. Elle doit partager sa chambre avec sa grand-mère, qui ne peut plus vivre seule. Puis, avec le temps, elle va apprendre à connaître cette grand-mère qui sait beaucoup de choses et qui a tant à partager. Elle va aussi se rendre compte que sa grand-mère est bien malheureuse et va tenter de l'aider de son mieux. Mais ses idées ne sont pas toujours appréciées...
Au début, quand j'ai relu ce roman, je me suis dit que Sheila restait un personnage classique, qui souhaitait le bonheur des autres sans forcément penser au sien en premier lieu (un peu comme Prune et Anna, vues dans le précédent « Vite fait bien fait »).
Puis, je me suis rendue compte que le roman contient principalement des personnages féminins : Sheila, sa mère, sa sœur, sa grand-mère, sa meilleure amie, etc. Et ce sont les relations et interactions entre ces personnages qui sont intéressantes (celle que je préfère est celle entre Sheila et sa grand-mère, celle qui est au cœur du roman ; toutes deux ont beaucoup d'affection l'une pour l'autre).
La grand-mère se montre très têtue, a un caractère très indépendant, elle crie parfois et se dispute avec sa fille, fait des cachotteries. Elle passe beaucoup de temps à transmettre ce qu'elle sait (la cuisine, le jardinage ou simplement son expérience de la vie) surtout dans le but d'avoir des moments privilégiés avec ses proches.
Sheila, de son côté, est une fille très curieuse au point de lire le journal intime de sa grande sœur, ce qui est une intrusion à l'intimité de celle-ci. Elle se montre souvent réticente à réaliser les tâches ménagères et préfère développer son imagination. Elle est aussi colérique, parfois vulgaire, ne porte que des pantalons (détail qui a son importance dans un passage du roman).
Muriel, la grande sœur, est également une forte tête. Du haut de ses 15 ans, elle n'a pas peur de dire ce qu'elle pense, passe beaucoup de temps à écrire et s'intéresse à la politique au point d'avoir des affiches de politiciens dans sa chambre (plutôt que des groupes de musique célèbres) et d'envisager une carrière en tant que sénatrice ou députée.


2 – Les enquêtes de Mac et Maribé, les seuls détectives qui ne travaillent que pendant les vacances scolaires, de Giorda

Ce roman est un ensemble de courtes histoires tournant autour d'aventures, de mystères et d'enquêtes, un peu comme le club des cinq.
Tout commence avec Mac, diminutif de Maxime, qui passe ses vacances à la mer. Suite à une mésaventure sur la plage, il va faire la connaissance de Marie-Béatrice, très vite surnommée Maribé. Cette jeune fille est une détective en herbe et Maxime va être un excellent assistant.
Même si les histoires sont toujours racontées du point de vue de Mac, c'est tout de même Maribé qui est au cœur de l'action ; Mac l'observe le plus souvent et témoigne son admiration devant les capacités de déduction de son amie. Si Mac finit par développer des capacités d'analyse à son tour, il admet lui-même que c'est à force de regarder et d'écouter son amie. Maribé ne tire pas de fierté de ses capacités et encourage même son ami à faire comme elle.
Étant donné que, pour des enfants, il est difficile de mener l'enquête, nos deux ami·e·s vont régulièrement devoir mentir, tricher, se servir des adultes pour arriver à leurs fins.
Le seul défaut que je trouve à ce roman, c'est le manque de développement des personnages. Tous deux manquent de profondeur par manque de background. Dans un sens, je me dis que ce qu'iels font en dehors de leurs vacances ne les définit pas mais je trouve tout de même que ça manque un peu de détails. Pourquoi Maribé aime-t-elle tant enquêter ? Quand et comment a-t-elle commencé ?


3 – Le jardin secret, de Frances Hodgson Burnett

Mary, seule survivante d'une épidémie de choléra en Inde, va se retrouver en Angleterre pour y vivre dans le manoir d'un oncle dont elle n'a jamais entendu parlé. Dans cette grande demeure un peu triste, elle va d'abord se sentir perdue mais va découvrir bien des secrets, dont un immense jardin fermé depuis la mort de sa tante.
Mary est un personnage que j'aime tout spécialement, à cause de son développement tout le long du roman. Au début, elle est têtue, égoïste, colérique, vulgaire, raciste. Cela n'a rien de bien réjouissant mais tout un contexte est donné pour expliquer pourquoi elle est ainsi : délaissée par ses parents, souvent seule aux soins d'une nounou, on accepte tous ses caprices pour qu'elle ne fasse pas de crises de nerf. La mort de ses parents va d'ailleurs peu la toucher, tellement elle était déconnectée de ces derniers. C'est au contact de personnes franches et aimantes qu'elle va se rendre compte de sa méchanceté et va commencer à adopter une attitude plus respectueuse, jusqu'à prendre soin d'autres personnes à son tour...sans pour autant se défaire de son caractère têtu. C'est son développement qui est au cœur de l'histoire.
C'est un bon exemple de ce que j'ai appris en grandissant, notamment à travers ce roman : personne n'est réellement méchant par nature. C'est souvent lié à l'environnement dans lequel une personne grandit : le lieu où elle vit, les gens qui l'entourent, les émotions et sentiments avec lesquels elle est le plus en contact. Dans un environnement violent, l'enfant puis la personne intègre un comportement identique. Aussi, Mary pense qu'il est normal de s'énerver à tout va, d'insulter, de crier quand on n'a pas ce qu'on veut car elle a toujours fait ainsi et personne ne lui a opposé une autre vision des choses, une autre façon de s'exprimer. Aussi, je trouve que ce livre est un bon exemple d'empathie car on se retrouve à suivre une personne qui agit mal, sans se rendre compte que c'est mal, et on apprend à connaître cette personne pour comprendre pourquoi elle agit ainsi.
Le deuxième atout majeur de cette histoire, c'est le rapport avec la nature. Le roman est truffé de longues descriptions de paysages, de landes, de jardins fleuris. Les parfums, les couleurs, les sons, les matières, autant de détails qui nous plongent dans un univers presque magique. Le roman est une véritable déclaration d'amour pour la nature, les animaux et les paysages sauvages d'Angleterre.


4 – La révolte de 10X, de Joan Davenport Carris

Taylor est effondrée depuis le décès de son père. Sa mère et elle sont obligées de déménager dans une maison plus petite, pour des raisons financières entre autres. Le seul réconfort de la jeune fille est 10X, l'ordinateur que son père et elle ont construit ensemble.
Très vite, son chagrin va se changer en révolte : elle déteste son nouveau quartier (récemment construit), sa nouvelle maison, ses voisins et même 10X qui est le dernier souvenir qu'il lui reste de son père. Elle va alors découvrir que 10X est capable de contrôler le système électrique de sa nouvelle maison. Il lui est alors possible de couper le courant, le rallumer, faire disjoncter les appareils, etc. Elle va alors se servir de son ordinateur comme d'une arme, pour mettre la pagaille dans cette maisons qu'elle déteste, pour punir sa mère d'avoir voulu déménager. Cette décision de s'en prendre à son entourage ne sera pas sans conséquence, allant jusqu'à gâcher de la nourriture, risquer d'infliger une grave brûlure à une tante qu'elle n'apprécie guère (j'avoue que la tante en question est insupportable, mais quand même !) et de mettre les nerfs de sa mère à rude épreuve, alors que celle-ci fait tout pour garder la tête hors de l'eau et aller de l'avant.
Le roman est parsemé de quelques réflexions intéressantes du point de vue féministe (là encore, la plupart des personnages sont des femmes ou des jeunes filles) mais son intérêt principal est qu'il traite du décès et de la difficulté de faire son deuil, les différentes étapes par lesquelles on passe (le chagrin, la colère, l'acceptation) et donne quelques conseils pour faire face à ce genre d'événements : changer de cadre, ne pas se renfermer sur soi, chercher du réconfort auprès de ses proches, commencer une nouvelle activité, etc.


5 – Vas-y Claire !, de Marie-Christine Helgerson

Claire aime courir. Mais en 1898, les jeunes filles portent corset, bottines, robes à volants...Tout un attirail qui entrave le corps et l'empêche de se mouvoir librement. De plus, l'idée même qu'une fille puisse se passionner pour une activité physique, cela étonne voire scandalise plus d'une personne de son entourage, à cette époque où les femmes n'avaient même pas le droit de vote.
Mais Claire est têtue. Elle a un objectif, qu'elle souhaite réaliser avec sa nouvelle amie Élizabeth : une course de vitesse jusqu'en haut de la Tour Eiffel !
Ce roman comporte beaucoup de personnages féminins, y compris un groupe de suffragettes (groupe de femmes militant pour le droit de vote). Les interactions entre elles et Claire soulignent les idées de l'époque (« une femme qui court, qui puisse transpirer, mon dieu, c'est moche, quelle horreur ! », ce qu'aujourd'hui on pourrait appeler du « sexisme intériorisé », même de la part des suffragettes qui estiment que le droit de vote est important, le sport non) et en même temps, il met en lumière les changement qui commencent à opérer à cette société (« c'est moderne, c'est léger, c'est synonyme de liberté »). Aussi, Claire va devoir tenir tête à la plupart d'entre elles (en plus des personnes masculins, mais pas sûre que ce soit nécessaire de le préciser) : sa mère, son amie, ses professeures et la directrice de son école, les clientes pour lesquelles elle fait des livraisons en courant, etc. Avec le temps (et beaucoup de détermination et de passion), elle va pousser son entourage à se remettre en question : la directrice va autoriser une tenue plus agréable à porter pour le sport, la patronne styliste de sa mère va commencer à imaginer une collection de vêtements sportifs pour les femmes.


En conclusion à tout cela, on peut remarquer que les filles de ces romans ont tendance à être têtues, colériques, à faire preuve d'un sacré caractère. Elles peuvent mentir, se venger sur autrui, faire intrusion dans la vie privée de quelqu'un, remettre en question le fonctionnement de la société...Des comportements qu'on attribue plus facilement à des garçons.
Mon but au travers de la présentation de mes romans de jeunesse n'est pas de dire « il ne faut que des personnages ayant un caractère fort et révolté ». Je ne souhaite pas faire l'éloge de certaines qualités au détriment des autres. Je pense, au contraire, qu'il faille de la diversité pour offrir le plus de représentations possibles. C'est pourquoi j'ai décidé de mettre en avant des romans où les filles parviennent à s'en sortir de diverses manières : en faisant preuve d'empathie ou de caractère, en communicant avec les autres ou en leur cachant des choses, en s'exprimant calmement ou en criant...

On pourrait penser que, aujourd'hui, avec l'avancement des droits des femmes, la littérature jeunesse offrirait multiples personnages intéressantes dont on pourrait s'inspirer (ce que dément la vidéo dont j'ai parlé dans la première partie de cet article).
Or, me replonger dans mes romans jeunesse me fait prendre conscience que cela fait longtemps que des auteurs et autrices proposent ce genre de personnages et qu'ils ont jalonné mon enfance et ont sans doute construit la personne que je suis aujourd'hui (ce sont les romans qui m'ont le plus marquée et je les ai encore en ma possession aujourd'hui tellement j'y suis attachée). Ai-je eu de la chance de tomber sur ces romans ? Ou y en a-t-il plus qu'on ne le pense, ils manquent juste de visibilité ? Je ne sais pas trop, sans doute un peu des deux.

On peut étendre cette réflexion à la représentation de toute autre minorité : personnes racisées, communauté LGBT+, personnes handicapées... Aussi, j'ai pour but de chercher à diversifier mes lectures, à rechercher des sujets rarement abordés (ou mal présentés) et de me concentrer sur ces lectures pour mon blog à l'avenir.

C'est ici que ce termine cet article. J'espère que cela vous a intéressé ^^ 
Connaissiez-vous ces romans ? Ont-ils fait partie de votre enfance ?Quel souvenir en avez-vous gardé ?

samedi 8 septembre 2018

Rêver - Franck Thilliez

TRIGGER WARNING
[Sang, automutilation]



Note : Plusieurs termes (suivis par un *) sont en lien avec les rêves et le sommeil, un dictionnaire est disponible en bas de l'article si vous souhaitez en savoir plus ^^


Quatrième de couverture

Psychologue réputée pour son expertise dans les affaires criminelles, Abigaël souffre d'une narcolepsie* sévère qui lui fait confondre le rêve avec la réalité. De nombreux mystères planent autour de la jeune femme, notamment concernant l'accident qui a coûté la vie à son père et à sa fille, et dont elle est miraculeusement sortie indemne.
L'affaire de disparition d'enfants sur laquelle elle travaille brouille ses derniers repères et fait bientôt basculer sa vie dans un cauchemar éveillé...
Dans cette enquête, il y a une proie et un prédateur : elle-même.


Que dire ?

Plusieurs thèmes sont abordés dans ce roman, le principal étant le sommeil et tout ce qui y touche : rêves et maladies du sommeil. J'ai également fait un parallèle avec les rêves lucides*.
J'ai été agréablement surprise car la plupart des points abordés sont traités de façon réaliste : les rêves ne sont pas des outils pour voir le futur, la narcolepsie n'est pas un élément comique et des traitements permettant de réduire les symptômes sont présentés. La cataplexie* est également mentionnée, elle est même utilisée pour souligner les fortes émotions du personnage, sans que ce soit répétitif ou abusif.
De plus, certains passages en profitent pour souligner l'importance du sommeil sur le cerveau, pour expliquer les différentes phases de sommeil ou pour aborder les croyances et mythes qui tournent autour du monde onirique (comme les « démons » que des personnes peuvent voir lors de paralysies du sommeil*). Il y a même certains questionnements, comme l'identité au travers des souvenirs. Comment savoir qui on est, si nos souvenirs nous font défaut, peuvent être modifiés, voire effacés ?
La façon dont la maladie est abordée m'a également plu : avant ses pertes de mémoire, Abigaël semblait être parvenue à un équilibre, sa maladie pouvait être parfois dérangeante mais Abi n'était pas victime de celle-ci : elle a une fille, un métier à hautes responsabilités et des collègues compréhensifs.ives. Donc une façon cool de représenter les troubles ou maladies chroniques.

Malgré tout ça, il y a un détail qui m'a dérangée. Et ce qui est dommage, c'est que c'est un détail important. Pour tenter de dissocier rêves et réalité, Abi met en place une stratégie très connue dans la communauté des rêveur·euses lucides : les tests de réalité*. Le souci est que les tests utilisés par Abi ne sont pas fiables du tout ! Ils se basent sur une croyance fausse qui est « en rêve, on ne peut pas se blesser ou ressentir de douleur ». C'est cette croyance qui pousse les gens à se pincer (très fort) pour vérifier s'ils rêvent ou non. Or, ce test de réalité ne sert à rien car on peut ressentir la douleur en rêve et on peut même saigner.
Aussi, je pense que ses tests ne sont là que pour une chose : souligner la déchéance du personnage, refléter son déséquilibre mental par des blessures physiques qui sont de plus en plus nombreuses au fur et à mesure que l'histoire avance.
Malgré tout, j'aime la raison qui pousse Abi à utiliser ces tests-là : elle a noté ses rêves et a analysé ces derniers. C'est ce qui lui a permise de constater les éléments récurrents et de réagir en conséquence. Ce genre d'analyses est une chose que les rêveur·euses lucides font souvent.

Il y a plusieurs dualités dans ce roman. La première, et la plus évidente, est celle qui oppose rêve et réalité. Ici, on ne retrouve pas d'opposition manichéenne, avec le monde des rêves où « tout est possible » qui semblerait mieux que la morne réalité. Non, ici, les deux se valent. Abi n'est en sécurité nulle part, elle n'a pas vraiment de moments de répit : à cause de son métier et de son passé, ses rêves sont souvent chaotiques, violents, peuplés de créatures hideuses. Sa réalité n'est guère mieux car elle lutte contre son corps, sa maladie, contre les monstres bien réels que sont les criminel.le.s.
Une autre dualité est celle qui oppose corps et esprit. Abi perd la mémoire, de plus en plus souvent. Son esprit lui fait alors défaut, elle ne peut pas s'y fier. Elle utilise alors son corps pour tenter de rester dans la réalité : elle se fait mal pour savoir si elle rêve ou non. Son corps est donc une sorte de bouée de sauvetage pour ne pas perdre pied... sauf que son corps n'est pas totalement fiable non plus, à cause de crises de sommeil ou de cataplexie qui peuvent la prendre n'importe quand. Là encore, Abi n'a pas de point de repères, pas de moyen de se stabiliser.
Il y a aussi une dualité temporelle et narrative. Le récit est structuré en deux axes temporels : l'un débute un peu avant l'accident, l'autre dix jours avant la résolution de l'enquête policière.
Les aller-retours entrent ces deux axes sont fréquents. De plus, en parallèle, il y a deux trames narratives : l'une suit l'enquête policière, l'autre se concentre sur Abigaël qui mène une (en)quête personnelle sur les mystères autour du fameux accident et qui lutte contre les pertes de mémoire aux origines inconnues.

Tout cela m'a un peu donné le vertige. Tout comme notre protagoniste, je me suis vite sentie perdue, ne sachant qui ou quoi croire.
Un petit repère est donné pour nous aider à remettre de l'ordre dans les événements mais malgré tout, un retour en arrière a été nécessaire pour me remémorer les événements précédents.
Le repère en question est une ligne avec deux points, les deux événements majeurs de l'histoire. Les autres sont vaguement situés sur cet axe, mais restent flous. Au cours de ma lecture, j'ai regretté de ne pas avoir pris quelques notes pour garder une trace des événements et l'ordre dans lequel ils se sont produits. Avec un autre livre, je pense que j'aurais trouvé ça gênant mais dans ce dernier, cela m'a aidée à ressentir une forte empathie pour Abigaël. Elle écrit pour lutter contre ses pertes de mémoire et je me suis retrouvée dans la même posture qu'elle : obligée de me raccrocher à un support écrit pour ne pas oublier ce qu'il s'est passé. Je me suis mise à douter de tout, également. On peut être certain.e des deux événements principaux, mais pas des autres car ils ne laissent pas de trace sur l'axe. Abi est-elle en train de perdre la tête ? Vit-elle vraiment les événements racontés ou tout cela se passe-t-il uniquement dans son esprit ? Ou, pire, est-ce un mélange des deux, tellement indissociables qu'il serait impossible de savoir ce qui est réel et ce qui ne l'est pas ?
Cependant, il y a une chose à laquelle j'ai pu me raccrocher, ce sont les émotions d'Abi. Que les événements soient réels ou non, c'est bien la seule chose sur laquelle on ne peut douter : elle a peur, elle est perdue, elle doute. Mais aussi, et surtout, elle fait preuve d'un courage et d'une détermination incroyables pour découvrir la vérité et s'en sortir par tous les moyens.

Donc, beaucoup de bonnes choses, beaucoup d'émotions, de réflexions...
Aussi, j'ai trouvé la fin un peu fade par rapport au reste. Je suis tout de même soulagée que ce ne soit pas un cliché du genre « Ah bah tout ça était faux, elle était dans le coma suite à l'accident ».
Même si l'auteur s'est bien amusé à nous perdre du début à la fin (perso, je me suis faite avoir...deux fois), les révélations finales ne sont pas aussi exceptionnelles que le parcours de notre chère Abigaël. J'ai parfaitement compris les motivations de l'antagoniste mais j'ai trouvé celles-ci un peu « légères », même si on peut les expliquer facilement (je ne dirais rien, sinon je spoile une bonne partie de l'histoire).


Bref !

Un coup de cœur ! J'ai découvert ce livre au travers d'une communauté de rêveurs.euses lucides dont je fais partie. Les rêves m'intéressent depuis longtemps. J'avais un peu peur du traitement réservé aux rêves et aux maladies du sommeil, plus précisément. Mais ici, je ne trouve presque rien à redire, si ce n'est les tests de réalité.
Je suis restée agrippée à l'histoire et il ne m'a pas fallu longtemps pour la finir. Cela a même donné un petit coup de pouce à ma mémoire onirique*. La fin du roman m'a un peu déçue, certes, mais elle reste logique et pertinente à mes yeux.
Je déconseille ce roman aux personnes qui n'aiment pas les récits ayant une chronologie chaotique. Par contre, si tu aimes ce qui touche aux rêves, au sommeil, etc, c'est une lecture intéressante et agréable car les erreurs dans ce domaine sont rares et ne nous sortent pas du roman.


Citation

« Que sommes-nous, sans mémoire, sans souvenirs, sans le rappel de ces visages, de ces voix qui ont accompagné nos existences ? Juste un point sur la courbe du temps ? »
(Assez drôle quand on sait que le repère qu'on nous donne est présenté sous forme de point sur un axe temporel ^^).


Bonus - Dictionnaire

Narcolepsie (ou maladie de Gélineau) : trouble du sommeil chronique, caractérisé par un temps de sommeil excessif. Les personnes concernées peuvent s'endormir involontairement, en pleine journée.

Rêve lucide : rêve dans lequel la personne est consciente qu'elle est en train de rêver. 
Le rêve lucide est un phénomène normal, qui peut être provoqué, qui a été étudié et vérifié scientifiquement. Les travaux de Stephen Laberge sont les plus connus actuellement.
Voir le site "Attrape-Songes" pour en savoir plus : http://attrape-songes.com/ 

Cataplexie : un des symptômes majeurs de la narcolepsie. C'est une perte du tonus musculaire, le plus souvent sous l'effet d'une forte émotion. La cataplexie cesse quand l'émotion cesse. Cela peut concerner certains muscles ou le corps entier, sans altération de la conscience (la personne s'effondre mais est parfaitement éveillée).

Paralysie du sommeil : lors de l'endormissement, le corps est soumis à une atonie musculaire, une paralysie des muscles pour éviter de bouger lors des rêves (imaginez le danger, si vous rêvez que vous sautez par la fenêtre pour voler ? sans l'atonie musculaire, vous sauteriez pour de vrai !). En temps normal, quand cette atonie intervient, nous ne sommes plus conscients. Mais certaines personnes le sont toujours. Elles sont donc paralysées mais conscientes. Cette expérience, appelée "paralysie du sommeil", peut être accompagnée d'hallucinations ou de sensations d'étouffement, ce qui rend le tout très désagréable quand on y est confronté·e pour la première fois.
La paralysie du sommeil peut être un symptôme de la narcolepsie.

Test de réalité : pour provoquer un rêve lucide, il existe plusieurs techniques. L'une d'elles consiste à vérifier régulièrement si on est en train de rêver, en espérant développer ce réflexe dans ses rêves. Il s'agit donc de "tester" la réalité. Pour cela, on se base sur certaines incohérences liées au monde des rêves.
Ex : dans un rêve, il est difficile, voire impossible, de voir le reflet d'un miroir. Le reflet est souvent flou, parfois au point de ressembler à un nuage de fumée, ou il est très différent de ce qu'il montrait.
Autre ex : dans les rêves, il est possible de se pincer le nez et de respirer par celui-ci malgré tout.
Donc, comme test de réalité, on peut décider de regarder un miroir ou de se pincer le nez et d'essayer de respirer par celui-ci. Si le miroir est net ou si l'air ne passe pas, cela veut dire qu'on ne rêve pas. Dans le cas contraire, c'est un rêve.

Mémoire onirique : Capacité à se souvenir de ses rêves au réveil. Chacun·e se souvient plus ou moins de ses rêves : certaines personnes peuvent ne garder aucun souvenir, d'autres ont des souvenirs très précis, avec beaucoup de détails.
La mémoire peut se travailler, en prenant l'habitude de noter ses rêves, tous les jours. Lire/écrire/réfléchir sur le sujet peut également avoir un effet positif sur la mémoire.

dimanche 19 août 2018

Journal intime d'un touriste du bonheur - Jonathan Lehmann

"Petite" introduction avant de passer au livre. Je vais parler un peu de moi et de là où j'en suis dans mon développement personnel. Promis, ça ne sera pas long. Enfin, pas trop (je crois). Mais c'est important pour comprendre ma vision du livre. Sinon, vous faites comme d'habitude, vous passez le blabla inutile ;)

Mon premier livre de développement personnel remonte à 2015, j'en ai lu beaucoup depuis. Beaucoup trop, j'ai l'impression. Il y a quelques mois, j'ai eu la sensation de tourner en rond. Chaque nouveau livre acheté était la promesse (ou plutôt l'attente) d'apprendre quelque chose de nouveau, sur moi, sur le mental, l'égo, le truc qui m'aiderait à être bien dans mes pompes... ce qui arrivait de moins. À force de lecture, je me suis rendue compte que les livres se citaient les uns les autres, que je retrouvais les mêmes idées, les mêmes notions qui me devenaient assez familières.
Pour je ne sais plus quelle raison, j'ai commencé un carnet comme « journal de bord » sur mon développement personnel, pour y mettre des notes de mes lectures sur le sujet. J'ai donc repris tous les livres que j'avais encore en ma possession et je les ai relus.

Ce fut une grosse claque. Je me suis rendue compte que j'avais presque oublié tout ce que j'avais lu. Tous ces livres, je n'en avais gardé que peu de souvenirs. Ce que je cherchais, je l'avais déjà sous le nez. J'avais déjà plus ou moins toutes les notions essentielles pour progresser mais je n'avais pas pris le temps de bien les assimiler, trop occupée à passer d'un livre à l'autre. Et surtout, je devais me mettre à la méditation car tous les livres en parlaient. Avant, c'était juste une envie. À ce moment-là, je ressentais comme un besoin presque vital. Cette idée a été confirmée par un très bon ami, que je considère un peu comme un guide.

Du coup, j'ai mis la lecture de côté, pour me concentrer sur mes émotions, la méditation, etc... Aussi, le livre de Jonathan Lehmann, comme beaucoup d'autres ces derniers mois, je l'ai mis sur une wish-list, dans l'idée de ne le lire que si j'en avais encore envie bien plus tard.

Pour mon anniversaire, début août, j'ai ressorti cette liste pour donner des idées de cadeaux à mes proches. « Journal intime... » y était toujours. Je ne l'ai pas reçu pour mon anniversaire, je l'ai donc acheté moi-même en magasin car, en le feuilletant, j'ai vu que ça traitait beaucoup de la méditation. Comme j'avais l'impression de patauger dans ce domaine, je me suis dit que ça me serait utile.

Je ne m'attendais pas à être transformée par la lecture du livre, car cette transformation, ça fait déjà quelques années que je l'ai commencée et qu'elle suit son cours depuis. Je ne suis pas Bouddha incarné, mais je savais que certaines notions et idées importantes dont j'avais déjà conscience, j'allais les retrouver dedans. Cependant, Jonathan Lehmann me laissait une bonne impression à travers sa page Facebook, des bonnes vibes comme on dit. J'allais tout de même en tirer quelque chose, j'en étais sûre.



Quatrième de couverture

« Le voyage en Inde d'un golden boy repenti en quête de sagesse

Avocat d'affaires à New York, amateur de fêtes et de drogues..., Jonathan plaque tout du jour au lendemain pour partir à la recherche du bonheur. Pendant 3 ans, il va à la rencontre de penseurs et de maîtres spirituels à travers le monde, et découvre la méditation, une pratique qui va bouleverser sa vie.

En novembre 2016, il s'envole vers l'Inde pour vivre une expérience radicale : " Vipassana ", ou dix heures par jour, pendant dix jours. Dans un silence total.

Journal intime d'un touriste du bonheur est le récit de cette retraite et des trois mois de périple qui ont suivi. Dans ce carnet de voyage déjanté, Jonathan nous raconte ses tribulations à travers l'Inde : son " shopping spirituel " d'ashram en ashram et de gourou en gourou, son coming out mystique, son apprentissage du sexe tantrique, son combat incessant contre la tyrannie du mental et les addictions...

Voyage initiatique et chronique spirituelle, ce livre irrésistible bouscule les genres littéraires autant que les consciences. Dans un style décomplexé, follement drôle, Jonathan Lehmann nous transmet la richesse des enseignements qu'il a reçus et qui nourrissent, chaque jour, son cheminement vers le bonheur.

Une lecture dont vous ressortirez transformés. »


Que dire ?

À travers le récit que l'auteur fait, (presque) sans complexe, on est trimballé d'expériences en expériences, d'émotions en émotions, et au final, on devient nous-même un « touriste du bonheur ». D'ailleurs, le titre du livre prend tout son sens vers la fin, il n'y a pas qu'une référence au voyage, mais bien une réflexion sur la façon d'aborder la spiritualité, réflexion que je n'avais pas encore rencontrée.

Je me suis un peu sentie perdue parfois, car le cheminement de pensées n'est pas toujours chronologique et le récit fait état de beaucoup de lieux, de méthodes de méditations, de noms...mais c'est un peu comme visiter un pays étranger : parfois, on se perd dans une petite ruelle, on y fait des découvertes incroyables, on retrouve son chemin sans trop savoir comment mais on se dit que ce n'était pas si mal de se perdre.

J'ai beaucoup aimé suivre les aventures de l'auteur, de découvrir le cheminement de ce dernier, ses lectures et découvertes, ses prises de conscience, ses doutes, ses échecs, ses blessures, ses hontes parfois. On a même droit à deux-trois « coming-out » (un abus de langage selon moi, mais passons) sur certaines addictions. J'ai trouvé ça rassurant et je me suis beaucoup identifiée à son ressenti, à certaines de ses blessures. Ça m'a rappelée celles que j'avais mises de côté car je les croyais réglées (quelle arrogance de ma part !).
C'est le genre de récit qui me parle le plus. Quoi de mieux, pour parler de développement personnel, que d'aborder le sien en exemple ? Je préfère ça aux ouvrages qui enchainent les études sur le bonheur et la gratitude car, même si cela reste intéressant, c'est assez vite barbant et trop froid pour moi.


En résumé...

Sympathique ! J'ai trouvé ce journal authentique. Le style de l'auteur est simple, il va à l'essentiel, c'est assez DRÔLE (clin d'œil à l'auteur et à celle·eux qui ont lu le livre, si certain·es passent par ici). J'ai donc passé un bon moment entre ces pages.
Ce n'est pas un coup de cœur (pour moi) car je ne me suis pas sentie transportée comme d'autres ouvrages du genre, sans doute parce que ce n'est pas le premier. J'y ai retrouvé quelques noms que je connaissais déjà (Eckhart Tolle, par exemple) mais j'ai pu trouver quelques réponses et confirmations sur mes doutes concernant la méditation et la pratique au quotidien.


Citation

"Aujourd'hui, je comprends pourquoi j'ai toujours essayé de fuir le silence. Quand il n'y a pas de bruit autour de nous, on entend encore plus le mental, qui nous parle sans cesse, et qui souvent nous agresse avec des pensées désagréables.
Alors, pour cesser de l'entendre, on meuble, on se trouve toutes sortes d'activités. (...) Mais la solution n'est pas de fuir. Au contraire, pour évoluer, on doit prendre le taureau par les cornes et apprendre à vivre avec son mental. (...) En appréhendant le silence comme une vraie pratique. Peut-être la plus importante sur le chemin du bonheur" (p.67, Édition de la Martinière).