jeudi 4 février 2016

Le Maitre ou le tournoi de go - Yasunari Kawabata


Synopsis

1938. Shusai, dernier maître de Go, invaincu mais âgé et miné par la maladie, s'engage dans son dernier combat. Son adversaire, Otaké, pratique un jeu agressif, efficace et brillant. La partie dont l'issue est inéluctable va durer six mois... (extrait du synopsis de Livraddict).


Que dire ?

Étant une joueuse de go depuis quelques années, j'en suis venue à chercher des ouvrages sur le sujet, au niveau technique de jeu. Par hasard, je suis tombée sur ce roman assez court où un tournoi y est décrit. Ce roman se base sur un fait historique, seuls les noms ont été changés.
Le jeu de go est un jeu de stratégie et de réflexion, comme les échecs, basé sur la construction de territoires. 

L'idée d'un roman sur un tel jeu peut paraître ennuyeuse au premier abord. Cependant, on remarque vite que la partie n'est pas centrale même si le kifu (diagramme enregistrant tous les coups joués) est incorporé dans le roman. La défaite et la mort du Maître, toutes deux annoncées dès les premières lignes, nous poussent à faire un parallèle. La défaite ne fait que représenter la santé défaillante du maître et son déclin tout le long de la partie. Ce sont ces deux annonces qui m'ont poussée à m'intéresser de près au Maître, pour cerner au mieux ce personnage condamné à disparaître, tout comme le narrateur, un journaliste, se concentre sur le Maître pour exprimer le respect qu'il a pour ce protagoniste.

Le tournoi a également un autre intérêt, encore plus grand : ce ne sont pas de simples joueurs qui s'affrontent, il s'agit d'un très grand joueur – si ce n'est le meilleur – face à Otaké, un jeune joueur qui tente de lui prendre son titre. Heureusement, le narrateur n'est pas un expert en go. Il prend donc beaucoup de temps pour décrire l'attitude des joueurs, ainsi que l'atmosphère qui entoure le tournoi, les lieux où la partie se joue. Celui-ci dure six mois, c'est donc une vraie guerre des nerfs, une guerre entre deux générations. Il y a donc la jeunesse face à l'expérience, l'impatience face au calme, la nouveauté face à la tradition. Deux jeux bien distincts se confrontent : l'un est vif et agressif, l'autre est lent et posé.

Le Maître a le rôle du vieillard luttant pour rester en vie, du moins au début. Malgré les problèmes de santé, le Maître est montré comme un personnage têtu, décidé à faire face, faisant preuve d'une obsession pour le jeu plus forte que son envie de vivre. Malgré sa défaite et sa mort par la suite, le Maître est pour moi le vrai vainqueur de ce tournoi car il est parvenu à aller au delà de ses limites. Même si sa maladie le rattrape par la suite, sa patience, son courage et sa ténacité font de lui un personnage fort.
Face à lui, Otaké est dans une position délicate, lui aussi a droit à son combat intérieur. La santé du Maître lui fait peur, il craint d'être accusé d'avoir gagné facilement et, en même temps, il souhaite ménager le vieil homme pour lui permettre de finir la partie. L'un comme l'autre sont peu à peu mis à nu, avec leurs qualités et leurs défauts.


En résumé...

Sympathique. J'ai beaucoup aimé la psychologie des personnages qui se ressentait dans la partie. Les deux joueurs luttent entre eux et contre eux-même, tout le long du tournoi. En tant que joueuse, je sais que le mental a une part importante dans un jeu de réflexion et ce roman en est une parfaite illustration.


Une citation

« La plupart des professionnels du Go aiment aussi d'autres jeux, mais la passion du Maître présentait un caractère particulier : l'incapacité de jouer tranquillement, en laissant les choses suivre leur cours. Sa patience, son endurance s'avéraient infinies. Il jouait jour et nuit, pris par une obsession qui devenait troublante. Il s'agissait peut-être moins de dissiper des idées noires ou de charmer son ennui que d'une sorte d'abandon total au démon du jeu. » (p. 97, édition Livre de Poche, 1975).


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